Ca fait un moment que j'avais pas écris et là, faut que ça sorte
Je post pas directement sur le topic du jeu parce que vu la longueur potentielle du post et ma tendance à partir dans tous les sens, ça risque de ne pas parler que de Zelda
Il est des expériences qui marquent. Indubitablement. Durablement. Et je suis en train d’en vivre une.
Mon imaginaire est peint d’une multitude de souvenirs me ramenant à Hyrule. A Link to the Past, le premier à m’avoir parlé directement, intimement. Puis Link’s Awakening sur Gameboy, la lampe vissée sur la console portable, la tête sous les draps pour ne pas me faire griller par les parents. Ocarina of Time, pour qui j’ai traversé la ville le jour du cortège de l’Escalade du Collège ou j’étudiais. The Wind Waker que j’étais allé chercher avec une crève d’enfer… je pourrais vous citer les situations, les lieux dans lesquels j’ai acheté chacun des épisodes, quasiment. Je me souviens de ce que j’écoutais quand je suis parti sauvé les Gorons dans Ocarina of Time, de qui était avec moi quand j’ai pris le train pour la première fois dans Spirit Tracks, des lapins que j’ai posé pour jouer à Twilight Princess… et j’en passe…
Peu de jeux m’implique à ce point émotionnellement, humainement. Cette série dépasse pour moi le «simple» jeu vidéo. Ou plutôt elle le transcende. C’est un univers que je connais maintenant, que j’aime. Je reconnais ces codes, ses coutumes et c’est pour ça que j’y replonge à chaque fois. Parfois avec crainte, par exemple pour Wind Waker tant le changement visuel m’avait interpellé. Souvent avec curiosité et frénésie, comme quand A Link Between Worlds propose de retourner dans le Hyrule de mon enfance. Toujours avec une envie débordante de retrouver ces plaines, ces peuples et cet ennemi que je combat inlassablement depuis mes 10 ans.
Avant l’arrivée de Breath of the Wild, la série commençait à se reposer sur de dorés lauriers depuis une décennie selon certains observateurs. Un peu forcé de m’aligner sur cet avis, la faute à un Skyward Sword ayant sans doute moins marqué les foules que d’autres épisodes ou pâtissant de l’insuccès de la Wii U. Celui-ci est pourtant bourré de qualités malgré son design peut-être un peu plus classique. Disons que cette potentielle lassitude est surtout valable pour les versions console de salon. Parce qu’en nomade, A Link Between Worlds était franchement une petite perle d’inventivité.
Quoi qu’il en soit, BotW arrive avec une pression toute particulière, décuplé depuis sa transformation en porte-drapeau d’une console portant elle aussi, un certain poids sur les épaules. Les premières images laissaient rêveur et ont même casser internet lors de leur apparition. C’est d’ailleurs de là que vient tout le miel des attaques des trolls anti-N et autres personnages cyniques ne cherchant plus à encenser les jeux qu’ils aiment, mais à descendre ceux qu’ils n’aiment pas. BotW, donc, serait le plus gros downgrade graphique de l’histoire. Et ? Personnellement un jeu qui tient ses promesses au niveau de l’aventure qu'il propose, de ses mécaniques de gameplay ou de la profondeur de son background vaut largement toutes les prouesses graphiques. Et j’ai l’impression que de nos jours, on oublie un peu que la qualité de l’écrin n’empêche pas un joyau de briller…
Embarquer pour BotW, c’est partir pour longtemps. Loin. Très loin. Et vous aurez de quoi nourrir votre cœur et votre âme, tant ce que ce jeu a à offrir est généreux. Dans les premières minutes, je me suis dit que ça faisait longtemps que je n’avais pas ressenti ça manettes en main. Dans les premières heures, j’avais l’impression d’avoir rarement ressenti ça… et après des dizaines d’heures, j’en suis certain, je n’ai jamais éprouvé ça. «Ca», c’est ce sentiment de liberté. Total. Enivrant. Etourdissant même parfois. J’ai beau avoir passé par The Witcher III, les différents GTA, Farcry, Red Dead, Batman dans une moindre mesure ou encore différents MMO, jamais open world ne m’avait donné autant cette impression totalement grisante d’immensité et de totale liberté. Le plus simple pour s’en rendre compte, c’est de se dire que pour une quête lambda vous devez vous rendre du point A au point B (classique au possible dans les mondes ouverts modernes… ) sauf que dans BotW, le point B ressemblent furieusement à un point M, R ou V, tellement vous serez continuellement tiré hors de votre chemin initial. C’est vrai dès dans les premières heures de jeu et ça l’est toujours que vous les comptez en dizaine. Ca l’est même parfois plus.
J’en ai parlé pendant de longs message avec Tara, mon compagnon de route en Hyrule et c’est dur de mettre le doigt, en général (hum hum), mais c’est surtout dur de mettre le doigt sur ce que ce jeu a en plus des autres. Une âme c’est évident, mais d’autres l’ont. Un passif car plusieurs épisodes, tous ne l’ont pas, mais ce n’est pas simplement ça. L’ami Tara n’avait jamais fait de Zelda avant et ressent la même chose que moi si j’en crois ses messages. Je pense que ce jeu touche au sublime par la multitude de petites choses qu’il fait sans le dire au joueur, tout au plus il le murmure laissant le soin à son prisonnier de découvrir par lui-même les finesses de son univers. Car même piégé sous des dizaines d’heures de jeu, on découvre encore au détour des décors majestueux une multitude de choses à faire, de la plus insignifiante à la plus touchante.
Des exemples ? Prenons ce chien croisé au pied d’un Relais équestre que l’on peut nourrir et qui accepte ensuite de nous suivre, voir d’imiter nos mouvements… Ou cette session recherche avec Tara lors d’une quête secondaire ou grâce à une fausse manip, je m’aperçois que l’on peut surfer sur son bouclier. Des petits riens qui font tout. Toute la différence. Des exemples comme ça, il y en a énormément et surement tout autant dont je n’ai pas connaissance. Cette richesse est une force à l’époque ou les jeux génériques se suivent et devienne le standard.
Je ne parlerai pas de l’aventure, d’une part je n’en ai pas fait la majeure partie vu que je fais quasi toutes les quêtes secondaires que je croise, mais surtout pas la moindre envie de gâcher une seule seconde à qui que ce soit du plaisir que l’on prend à parcourir cet odyssée qui, je pense, fera date. Je suis soufflé par le travail accompli par les artisans de chez Nintendo, c’est dingue, tout est maîtrisé. Qu’on adhère ou pas à ce genre de jeu, je ne conçois pas qu’on ne puisse pas s’incliner devant tant de virtuosité. Mais vu l’unanimité des notes, les réfractaires ne sont pas nombreux.
Je pense que les personnes n’aimant pas Zelda ou qui n’avaient pas fait les derniers épisodes, par lassitude ou pour tout autre prétexte, devraient être les premiers à s’essayer à ce BotW tant il est la preuve qu’une série, aussi ancrée soit-elle dans l’inconscient des joueurs, peut jouer avec ses propres codes, se réinventer en profondeur et transformer une prise de risque certaine en un plébiscite populaire et critique. Ce jeu est pour moi la voie que devrait suivre le jeu vidéo dans les années à venir et j’espère que nombreux seront les éditeurs à y voir une inspiration. A côté des Ghost Recon Wildlands, des Call of Duty ou autre Assassin’s Creed qui perdent en saveur à trop vouloir se ressembler, ça fait du bien de voir qu’un vent de changement peut encore souffler. Non pas que je trouve que ce soit des mauvais jeux (enfin si je le pense, mais je comprend qu’on puisse aimer ou s’en contenter), mais c’est surtout cette uniformisation qui me déplaît chez certains éditeurs, Ubisoft le premier en ce moment (même si j’applaudis des deux mains pour Steep !), qui tue un peu cette notion d’art qu’on a parfois de la peine à défendre ou faire accepter pour le jeu vidéo. Poussé plus loin, BotW marche également à plat couture sur un jeu comme Horizon, même si mes 5, 6 heures passées dessus sont un vrai plaisir, car il reste un jeu, aussi magnifique soit-il, comme on en a déjà vu et comme on en verra encore. A sa presque perfection plastique, lui manque ce supplément que finalement peu de jeux possèdent, qui font passer sa narration ou son univers au dessus de toute considération technique. Ne confondons pas l’important et l’essentiel. L’esthétique est important et se flatter la rétine fait du bien, mais toucher, émouvoir, là se situe pour moi l’essentiel.
J’en veux pour preuve nos souvenirs de joueurs. Quand je repense à Ocarina of Time, le Link que je dirigeais n’était pas tout aliasé et presque cubique. La mémoire «upscale» nos réminiscences du passé et c’est des images lissées, belles qui nous parviennent. Donc à quoi bon la course au photoréalisme sans l’âme et le cœur qui devraient aller de paire ? Dans 10-15 voir 20 ans, quand on parlera à nos enfants ou nos amis de BotW ou de Horizon, la différence technique n’existera plus, par contre l’émotion qu’ils auront suscité, elle, sera toujours là. Et à ce petit jeu-là, la dernière perle de Nintendo, aura flatté sans doute bien plus de cœurs que la pépite graphique de Guerilla.
Je pourrais parler de cette expérience qu’offre BotW pendant des heures, tant il y a à faire, tant il y a à voir. Et dois-je rappeler que j’approche seulement des 30 heures de jeu, donc je ne suis pas au bout de mes surprises, j’en ai bcp à voir et je m’en réjouis. Mais de peur de souler Tara avec mes déclarations d’amour pour ce jeu, j’ai préféré l’écrire et en parler… à qui ? Ca c’est la grande question, plus bcp de monde ne passe par ici, mais il fallait que ça sorte et si ça peut convaincre un ou deux sceptiques de passer en Hyrule dire bonjour, ça n’aura pas été un coup dans l’eau…
Merci à Nintendo pour ce jeu, cette expérience, cette aventure que j’ai hâte de finir mais que je rêverais de pouvoir oublier pour la revivre à nouveau. Une seule crainte et une seule envie subsistent maintenant, que la fin de l’aventure soit aussi belle que n’a été le début, baignée dans cette même mélancolie teintée de cet espoir fou que l’on retrouve chez les personnages que l’on croise. Je serais presque a espéré une fin tragique mais onirique et que l'on referme le livre de Zelda à jamais à la fin de cette épopée dantesque. Car Nintendo aura fort à faire pour proposer encore mieux, mais en attendant profitons de ce chef d’œuvre. Prisonnier de Link pour encore quelques dizaines d’heures, mon syndrome de Stockholm fièrement affiché, je vais profiter de chaque minute jusqu’à ce que le soleil se couche sur Hyrule pour quelques années…
Celui qui ne joue pas ne vit qu’une fois, en Hyrule je me réjouis d’y laisser mille vies. Merci Nintendo !